Les automobiles Sizaire et Naudin
La firme Sizaire et Naudin fut fondée en 1903 par les frères Maurice et Georges Sizaire et Louis Naudin. Les trois hommes travaillèrent à partir de 1902 sur la construction d'une voiturette monocylindre, d'un alésage maximum de 100 mm et d'un poids maximum de 600 kg.
Bien que quelques commandes soient enregistrées, la voiturette ne satisfait pas ses concepteurs, notamment au niveau de sa transmission trop faible. Pour remédier au problème, Maurice Sizaire conçoit une transmission directe à trois rapports dans laquelle l'arbre de transmission se déplace, entraînant la couronne par un subtil jeu de pignons. Autre originalité, la suspension avant à roues indépendantes inédite, lui assure une parfaite tenue de route. Pour exploiter cette nouvelle voiturette, une société en nom collectif "Sizaire Frères et Naudin" est constituée le 1er juin 1903.
Par la suite, devant l'afflux des commandes, l'entreprise déménage dans un lieu plus grand et prend le nom de "Société Anonyme des Automobiles Sizaire et Naudin", tout en introduisant des financiers dans son conseil d'administration.
L'année 1906 voit les premières participations et les premiers succès de la marque en compétition avec, pour couronnement, une éclatante victoire à la première édition de la Coupe des voiturettes, disputée du 5 au 12 novembre 1906. La société Sizaire et Naudin sort de l'ombre et la production atteint 30 voiturettes par mois, puis double l'année suivante après une seconde victoire et un doublé lors de la deuxième édition de la Coupe des voiturettes, sur une 8 HP monocylindrique.
L'année 1908 est saluée par une nouvelle victoire et le second doublé de la marque à la Coupe des voiturettes. Il faut ajouter à ce formidable succès une seconde place au Grand Prix des voiturettes, et le record des 100 miles sur l'autodrome de Brooklands, à la moyenne de 106 km/h, avec un véhicule équipé du plus gros monocylindre jamais monté sur une auto (250 mm de course).
Par la suite, la firme se retire de la compétition pour se concentrer exclusivement sur le développement d'un nouveau moteur à 4 cylindres, qui aboutit fin 1911. Il s'agit d'un 14/16 HP dont la présentation au catalogue de 1912 coïncide avec l'apparition de la première voiture de livraison et le retour de Sizaire et Naudin en compétition. Malgré l'engagement de trois voitures à la Coupe des voitures légères, qui avait remplacé l'année précédente la Coupe des voiturettes, aucune ne parvient au terme de l'épreuve.
Cet échec sportif est très mal accueilli par le Conseil d'Administration, qui décide de renvoyer Maurice et Georges Sizaire, ainsi que Louis Naudin, de la société qu'ils avaient créée, et qui portait toujours leurs noms. Cette mesure, pour le moins surprenante, a des conséquences dramatiques, car la société perd non seulement son âme, mais également son originalité.
C'est ainsi que fut créé le 13 décembre 1920 la "Société des Nouveaux Établissements Sizaire et Naudin". Lors de cette année, un nouvel ingénieur du nom de René Le Grain est engagé et conçoit un nouveau châssis plein de promesses, qui est engagé aussitôt à la Coupe Internationale des voiturettes de 1920. Cependant, animé par un moteur dont la préparation avait été trop précipitée, les trois voitures inscrites ne terminent pas l'épreuve. En 1921, l'apparition d'une 18 HP ne suffit pas à sauver la société dont la liquidation définitive est prononcée cette même année.
Pendant ce temps, de l'autre côté de la Manche, les frères Sizaire sont présentés à leur agent installé en Angleterre, F.W. Berwick, avec lequel ils étudient la conception d'une grosse voiture de luxe. Louis Naudin, gravement malade, ne participe pas à cette nouvelle aventure et décèdera prématurément peu de temps après.
Le 20 juin 1913, la nouvelle société "Sizaire et Berwick Ltd" est fondée. Son premier véhicule est présenté la même année au Salon de Paris puis à celui de Londres. C'est une imposante voiture de 20 CV, à moteur monobloc, 4 cylindres, dont la particularité la plus flagrante est son radiateur, qui est une copie conforme du modèle Rolls Royce. Un procès fut d'ailleurs engagé pour déterminer qui était le réel concepteur de ce radiateur. Rolls Royce gagna même si Sizaire et Berwick furent les seuls à déposer le dessin. Malgré le surnom peu flatteur de "Rolls du pauvre", la 20 HP Sizaire et Berwick rencontre un certain succès outre-Manche. C'est le premier véhicule européen qui fut doté en série avant 1914, d'un éclairage électrique et d'un jeu complet d'instruments de bord comprenant jusqu'à un compte-tours.
Après un ralentissement dû à la guerre, les succès reprennent et l'avenir de la société semble prometteur, mais les affaires périclitent à cause d'une nouvelle voiture, certes plaisante, mais devenue trop lourde et qui n'avance que péniblement. La décadence de la marque Sizaire et Berwick s'amorce inexorablement et la participation d'Austin, au début des années 1920, n'y change rien.
Les Sizaire et Berwick sont alors animées par un moteur Austin de 12 ou 20 HP, avant qu'un nouveau modèle, présenté au Salon de Paris d'octobre 1927, ne soit disponible avec cette fois un moteur américain Lycoming, un 8 cylindres de 4 litres. Peu d'exemplaires de ce modèle sont construits, ce qui sonne le glas de l'entreprise qui disparaîtra en 1928.
Cependant, Maurice Sizaire ne démissionne pas. Ayant prévu les difficultés qui s'annonçaient, dès 1918, il dessine dans sa résidence londonienne un tout nouveau modèle, une 11 HP de moyenne puissance. Il s'agit de la première voiture à quatre roues indépendantes et à direction à crémaillère, solutions techniques qui deviendront universelles quelques trente années plus tard. C'est alors la création de la "Société Sizaire et Frères".
La presse automobile ne cesse alors de vanter les qualités de réalisation et de finition de la voiture, principalement son freinage ainsi que la douceur et la précision de sa direction. Ce qui devait devenir un succès est devenu un fiasco car malgré ses faibles moyens financiers, la société décide d'exploiter elle-même tous les brevets déposés par Maurice Sizaire ; et ce, malgré de nombreuses offres alléchantes de rachat de licence de la part de constructeurs renommés.
Cette erreur leur fut fatale car étant dans l'impossibilité de vendre suffisamment de véhicules, la firme ferme définitivement ses portes en 1929