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Mon père fabricant de soirie

C’est en 1962 que son copain d’Allemagne Paul Bellon le sollicite pour s’associer et reprendre l’entreprise de soierie dans laquelle il travaille et dont le patron cherche un successeur pour prendre la relève.
C’est ainsi qu’il va devenir « fabricant de soierie » en reprenant avec son copain Paul Bellon la société Jarosson-Volay, un fabricant de soierie dont les origines remontent au XVIIIème siècle et installé au pied de la Croix-Rousse, rue Sainte Marie des Terreaux.
L’entreprise Jarosson-Volay est l’ultime appellation de la société qui a successivement pris les noms de Mathevon & Bouvard, Volay & Biguet, puis Volay pour devenir Jarosson-Volay avant de fusionner pour disparaitre en tant que telle au sein de la société Vassoilles.
Au sein de la communauté des fabricants lyonnais, Volay & Biguet est connue pour avoir commandité un tissage du portrait de Jacquard, d’une scène représentant la visite du Duc d’Aumale dans l’atelier du célèbre tisseur Maître Carquillat vers 1840, du portrait de Georges Washington, de la reine Victoria et de bien d’autres.
Ces nouvelles fonctions vont le conduire un peu partout en Europe pour rencontrer les revendeurs des tissus de l’entreprise. Sa maîtrise des langues étrangères sera ainsi largement mise à contribution et appréciée. Il entretiendra de nombreuses relations fructueuses pour la société avec des grossistes situés à Londres, Francfort, Hambourg, Zurich, Amsterdam, etc. pendant que son ami Paul, l’artiste de la société, créera de nouveaux tissus.
Il entretiendra également des relations étroites avec tous les façonniers que l’entreprise fera travailler. C’est ainsi qu’il participera au développement des ateliers de tissage Galéa de Violay et de Saint Just la Pendue en faisant financer par son entreprise l’achat de métiers à tisser qui seront mis en exploitation dans ces ateliers.
Avec son passé historique, l’entreprise sera régulièrement sollicitée pour reproduire des tissus anciens pour de nombreux musées. Ainsi pour les salons de Marie Antoinette au Petit Trianon, à Versailles, pour le musée de Mozart à Salzbourg, pour les salons de l’Hôtel de Ville de Lyon. Chaque fois, il faut se livrer à des prouesses industrielles et techniques car il faut commencer par retrouver les couleurs des tissus originaux de l’époque ou analyser le tissage dans ses aspects les plus techniques pour reproduire à l’identique le « montage[i] » qui a servi à réaliser le tissu au XIXème ou au XVIIIème siècle alors que les métiers à tisser du XXème siècle ont évolué : largeur de tissage différente ce qui change les rapports de dessin, mécanisation des machines, disparition des « montages » de l’époque…
C’est en procédant au vidage du grenier de l’entreprise rue Sainte Marie des Terreaux qu’est découverte une mise en carte[ii] extraordinaire. En effet, parmi les archives explorées, la mise en carte du tableau représentant la visite du Duc d’Aumale dans l’atelier du tisseur Carquillat est découverte. Cette mise en carte est constituée de deux panneaux d’environ 2m de large par 3,50m de haut et qui se juxtaposent. Quand on connaît le tableau tissé qui mesure environ 50 centimètres de haut par 30 de large, on perçoit mieux le degré de finesse du tissage. En effet, un carré d’un millimètre de côté sur la mise en carte représente un fil visible dans le tableau une fois tissé… on est ainsi très proche d’un rendu du niveau d’une définition photographique. Les récits familiaux font état d’une définition meilleure que la photo de l’époque pour le portrait tissé de Washington.
En 1972, Pierre et Paul fusionneront l’entreprise Jarosson-Volay avec l’entreprise Vassoilles, un autre fabricant de soierie des Terreaux. Avec la construction du métro de Lyon, l’entreprise sera rapidement contrainte de quitter la rue Puits-Gaillot pour rejoindre dans des bâtiments modernes la zone industrielle de Chesnes-Tharabie, près de l’Île D’Abeau dans l’Isère.
Paul et Pierre seront les deux spécialistes de la branche « tissus d’ameublement » de la société. Paul s’occupera de la partie artistique et de la conception des nouveaux tissus et Pierre des discussions avec les entreprises sous-traitantes et de la commercialisation de la production. L’autre département de l’entreprise, spécialisé dans les « tissus techniques » produisait à partir de nylon, du tissu pour la réalisation de rubans de machines à écrire ou d’imprimantes d’ordinateurs.
En 1981, Pierre Micolon prendra une retraite bien méritée sans récupérer un centime de sa mise de fonds. Les imprimantes utilisant un ruban textile pour encrer le papier se faisant de plus en plus rares avec l’avènement des nouvelles technologies et en particulier du jet d’encre, l’entreprise fera faillite quelques années plus tard. Le groupe Porcher textile fera alors main basse sur les actifs restant sans qu’il soit possible pour Paul Bellon et Pierre Micolon de récupérer quoi que ce soit de leur investissement.

[i] Le « montage » du métier caractérise le rendu du tissu. Chaque fil de chaîne est relié à une aiguille qui va le soulever ou le laisser en place au moment du passage de la navette. Le « montage » le plus simple est celui qui permet de réaliser un « taffetas » : un fil levé, un fil baissé, et ainsi de suite sur toute la largeur… Il existe une infinité de montages permettant de lever un fil sur 4, deux fils sur 5, un fil sur 2 suivi de 2 fils sur 5, etc. Le « montage » coûte très cher : dans les années 60 on parlait d’environ 200 000 francs de l’époque pour réaliser un montage nouveau. Pour cette raison, de nombreux fabricants conservaient dans leurs ateliers des mécaniques déjà montées mais dont ils n’avaient pas d’utilité immédiate pour n’avoir pas à repayer un montage. D’autres rachetaient des mécaniques lors de fermetures d’ateliers pour conserver des montages dont ils ne disposaient pas dans leurs propres ateliers.

[ii] La mise en carte, c´est la fabrication des cartons qui serviront au tissage sur métier. L'échantillon à fabriquer est analysé au compte-fil. Il s'agit de déterminer le nombre de branches qu'il y a dans la chaîne, en étudier le dessin et les fonds de lisière. On repère les coups de trame le long du galon, et on dessine un diagramme sur du papier millimétré, en noircissant les carreaux qui correspondent à des trous dans le carton qui commande la prise (la levée) du fil de chaîne dans le tissage. Les carreaux restés blancs correspondent aux fils qui ne travaillent pas.Chaque ligne correspond à un carton.
Le premier carreau de la 1ère ligne correspond à la 1ère corde sur la droite (108 fils par ligne).
A partir du diagramme, le carton est perforé avec un emporte-pièce ou un piano mécanique. Les cartons sont ensuite enliassés en continu. Ils seront installés sur la machine, sur une lanterne et un cylindre, qui par une série de bras et d'articulations, prendront les lisses ou les laisseront.


Date de création : 24/11/2023 20:39
Catégorie : - La fabrique lyonnaise de soirie